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Le son de la RAT

La pédale RAT de la marque américaine Pro Co est certainement l’une des pédales de distorsion pour guitare la plus connue du monde. Au milieu des années 70, Steve Kiraly et Scott Burnham réparent des pédales de saturation sur leur temps libre, lorsqu’ils ne travaillent pas chez ProCo Sound Inc. Agacé par le son qu’il obtient avec ce qui est disponible à l’époque et ce qui passe entre ses mains, Scott décide de fabriquer une pédale d’effet qui serait capable de donner le son d’amplis poussés à fond sur scène, avec encore plus de distorsion, et globalement une pédale meilleure que celles qu’il répare ! En bidouillant dans sa cave, il finit par obtenir ce qu’il cherche par accident : la RAT est née.

1. Le son de la RAT

La RAT est vraiment caractérisée par un son ultra-agressif avec beaucoup de gain ! L’heureuse découverte de Scott Burnham lors de la conception de la RAT est en fait de pousser tellement le gain de la pédale que ce n’est pas seulement les habituelles diodes de clipping qui génèrent la saturation, comme le ferait la MXR Distorsion Plus ou la DOD Preamp 250 de la même époque, mais carrément le composant utilisé pour amplifier le son.

Moment technique : ce composant est un amplificateur opérationnel dont la référence est LM308 et qui n’est plus produit de nos jours. Heureusement, un autre ami à lui, l’OP07, est toujours fabriqué et sonne de manière assez similaire, ce qui explique que la RAT existe encore !

Dit comme ça, ça a l’air assez technique, et c’est vrai que le son de la pédale est clairement dû à l’abus total de ce pauvre composant électronique. Le modèle sélectionné par Burnham est relativement lent, et réagit assez mal aux hautes fréquences lorsque le gain est trop élevé. En poussant la RAT, il devient incapable de réagir convenablement aux attaques de la guitare, ce qui a tendance à lisser la saturation et produire un effet « mur de distorsion » très agressif.

Ce phénomène a tendance à mettre encore plus en avant les mediums, puis les basses si on pousse vraiment le gain. On notera aussi que le bouton FILTER fonctionne à l’envers : plus on l’augmente, et moins on a d’aigus, ce qui rappelle les réglages CUT sur les amplis Vox et Matchless.

Josh Scott, le fondateur des pédales JHS, vous dira que le LM308 d’origine et l’OP07 moderne sonnent de manière identique. Je ne suis pas d’accord ! Ayant récupéré quelques puces LM308 en boîtier métallique, je peux affirmer qu’en plus du son habituel de l’effet, il y a un phénomène de compression : plus le gain est élevé, et plus chaque attaque sur les cordes va venir couper le volume sonore de l’effet. Peut-être est-ce dû à mon modèle uniquement et que les puces en plastique d’origine n’y sont pas sensibles ? Si vous avez plus d’informations à ce sujet, n’hésitez pas à le mettre en commentaire, ça m’intéresse de lire ce que vous en pensez !

Parmi les utilisateurs les plus connus de la ProCo RAT, on retrouve bien évidemment Nirvana, où Kurt Cobain s’en sert un peu partout sur l’album Nevermind. Logiquement, Dave Grohl, qui était batteur du groupe, continue de s’en servir en tant que guitariste des Foo Fighters. A leurs côtés, Radiohead, Jeff Beck, Peter Buck de R.E.M, Andy Summers de The Police, David Gimour avec Pink Floyd ou encore Metallica se serviront du rongeur pour produire des sons très saturés dans leur musique.

2. Une famille de rongeurs

La RAT a été éditée en plusieurs variantes avec le temps. La première, appelée Juggernaut, est dédiée à la basse, et présente un master volume, une boucle d’effet et un clean blend pour permettre un contrôle plus fin de la quantité de basse et de saturation. Elle a été produite environ 3 ans, entre 1979 et 1983, puis rééditée en 2003.

En 1985 apparaît la Turbo RAT, qui remplace les diodes de clipping en silicium (1N914) par deux LED rouge. Cela a pour effet de réduire drastiquement le taux de saturation de la pédale, augmentant par la même occasion le volume. Elle devient enfin exploitable sur un ampli déjà saturé.

En 1997, la Roadkill, et sa collègue violette la BRAT, reprennent le schéma d’origine en ajoutant des diodes de soft-clipping pour un timbre plus doux, un circuit soft-touch pour le on/off et un buffer d’entrée pour conserver un bon niveau de signal.

En 2002, la Deucetone incorpore deux RATs dans un même boîtier, chacune avec le mode Turbo accessible via un switch, et un nouveau mode : Clean pour l’une, en retirant les diodes de clipping pour avoir une énorme augmentation de volume, et Dirty pour l’autre, avec au contraire des diodes au germanium 1N34A pour un son encore plus compressé – comme si la RAT en avait besoin !

Deux ans plus tard, c’est le mode Dirty qui sera utilisé pour la You Dirty RAT, dont les diodes au germanium finiront par être remplacées par des diodes Schottky (BAT41) au son très similaire. Si vous ne comprenez pas en quoi changer juste une paire de diode est intéressant dans une saturation, je vous invite à lire mon article qui traite des diodes de clipping.

Si vous êtes un collectionneur, vous cherchez certainement une version « White Face », dont la seule différence avec une originale est la sérigraphie inversée sur le logo et le nom, ou bien une RAT signée « Woodcutter ». Pour cela, je vous laisse seul juge, car aucune différence de son ou de schéma ne permet de justifier la côte de ces « versions » particulières.

Pour plus d’informations sur l’histoire de la ProCo RAT, Josh Scott a fait un excellent travail sur son blog (en anglais) : Le blog de JHS Pedals

3. Améliorer une RAT en la moddant ?

Pour les plus curieux d’entre vous, voici le schéma de la RAT. Je vous invite fortement à visiter le site ElectroSmash.com dont elle est tirée, car celui-ci détaille avec précision la conception de la pédale. C’est une excellente source d’information pour comprendre en détail le fonctionnement de nos effets préférés !

Le mod le plus simple à réaliser est certainement de changer les deux diodes de clipping au silicium (D1 et D2) pour des LEDs (Turbo RAT) ou des diodes au germanium (You Dirty RAT). On peut même utiliser un switch pour sélectionner chaque mod par exemple !

Un autre mod bien connu de la communauté DIY est le fameux Ruetz mod. En déconnectant R4 via un switch par exemple, on obtient une saturation avec beaucoup moins de gain dans les mediums, presque plate en fait. En revanche, en déconnectant plutôt R5, on vient resserrer les basses, rendant la distorsion plus agressive et tranchante, moins baveuse. Là encore, en utilisant un switch, on peut très bien imaginer couper l’une ou l’autre, ou aucune !

Vous pouvez également vous amuser à changer C3 pour rendre l’amplificateur encore plus lent et peu réactif aux aigus. Cela aura pour effet d’accentuer encore plus les haut-mediums lorsque C3 augmente, donnant presque un effet de wah fixe sur le son. Attention, cette modification ne fonctionne qu’avec un LM308, pas un OP07 ! Vous pouvez aussi essayer le LT1008 qui est une version alternative bien plus récente que le LM308 et fonctionnera bien, même s’il coûte plus cher. Même si on voit souvent C3 encore connecté sur les circuits utilisant un OP07, il est… parfaitement inutile, car le composant ne fonctionne pas exactement de la même manière.

En réduisant C8, le contrôle FILTER agira plus dans les aigus, et en augmentant C8, plus dans les basses. Pratique pour adapter le timbre à l’instrument.

Il existe beaucoup d’autres façons de modifier le circuit, mais cela peut devenir très vite compliqué et ce n’est pas l’objectif. Amusez-vous avant tout ! 

 

De nos jours, la RAT est toujours fabriquée en version 2 ainsi que mini, toujours par ProCo. Elle reste un absolu incontournable du son grunge et hard-rock des années 90, et une pédale de choix pour les guitaristes débutants comme confirmés qui veulent un son agressif. Si vous jouez du Stoner, elle trouvera aussi parfaitement sa place dans votre chaîne sonore !

Beaucoup de fabricants s’inspirent de la RAT, que ce soit pour lui rendre hommage comme le fait JAM Pedals avec un circuit au plus proche de l’originale ou modifiée pour la rendre plus docile et moins agressive chez 1981 avec la DRV. Couplée à un octave-up analogique et un boost, Earthquaker Devices pousse le niveau de saturation encore plus loin et propose la Life Pedal, signature Sunn O))) ! Il y en a donc vraiment pour tous les goûts. Si vous voulez tester tous les mods sans avoir à sortir le fer à souder, foncez voir la Dolmen Effects Hermine !

Pour ma part, la RAT a une valeur sentimentale : c’est la toute première pédale d’effet que j’ai fabriqué - non sans mal – à partir d’un kit de chez Musikding ! Elle n’était pas très jolie mais fonctionnait bien. Cela ne m’a pas empêché de m’appuyer sur la Turbo RAT pour concevoir la section d’overdrive de la Distorter, tout en modifiant le circuit pour que cela convienne à Nelson Martins. On retrouve alors une overdrive chaleureuse et dynamique, sans être trop envahissante !

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