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Le merveilleux monde des fuzz

Si vous êtes ici, c’est sûrement parce que vous êtes curieux de savoir comment fonctionnent les pédales de fuzz et que vous vous demandez quelles sont leurs différences. Après tout, la fuzz est déjà une catégorie à part des pédales de saturation, comment peut-on les regrouper encore par sous-catégorie ? Eh bien un peu comme pour les pédales d’overdrive, chaque fuzz a un son bien à elle. Etudions ça de plus près, en commençant par la toute première fuzz au monde !

1. Les fuzz velcro

Vous voyez le son que fait une bande de velcro qu’on arrache ? Ben voilà. Les fuzz velcro ont un son râpeux et agressif, très sec et avec peu de sustain. Elles ne tiennent pas non plus les accords et ont le son caractéristique des premières fuzz. La première est la Maestro FZ-1 dont j’ai déjà parlé dans l’article précédent, et qu’on retrouve sur le titre des Rolling Stones « (I can’t get no) Satisfaction ». Quatre ans après la sortie de la FZ-1, en 1966, la marque Mosrite commercialise une pédale de fuzz cherchant à reproduire le son de la console de mixage de Glenn Snoddy dont l’un des tubes était défectueux. La pédale est rendue célèbre grâce au groupe The Ventures qui s’en servira pendant le début de leur carrière. On l’entend notamment dans le morceau Psyched-Out.

2. Les Tonebenders

Deux ans plus tôt, en 1964, de l’autre côté de l’Atlantique, un guitariste de session de l’époque, Vic Flick, se serait rendu au magasin londonien de Larry Macari « Musical Exchange » pour demander à faire modifier sa Maestro FZ-1 qui ne conservait pas suffisamment le sustain des notes jouées. Gary Hurst, qui travaille alors au magasin, accepte et lui rend en fait une pédale d’un nouveau genre sur laquelle il travaillait depuis un moment, la toute première Tonebender. Beaucoup plus ouverte et avec un son plus gras que la FZ-1, la Tonebender offre un excellent sustain des notes et sera utilisée par les plus grands guitaristes de l’époque – The Beatles, The Yardbirds, Jimi Hendrix et Led Zeppelin pour ne citer qu’eux. Le circuit connaîtra plusieurs évolutions et variantes et donnera naissance notamment à la fameuse Fuzz Face, que je classe donc ici. D’abord fabriquée avec des transistors au germanium, la Tonebender passera finalement au silicium au milieu des années 70. Certaines variantes comme la Zonk Machine utilisent même les deux types de transistors pour un son plus pêchu. Chaque version de la Tonebender a un son véritablement unique, que j’explorerai bientôt. Elle est d’ailleurs toujours produite en Angleterre par Macari’s sous la version « MK IV ».

3. Les Octave Fuzz

Comme leur nom l’indique, les octave-fuzz s’occupent de remplir le spectre sonore en générant artificiellement une octave supérieure au signal de la guitare. Cela donne un son plus criard qu’une Tonebender, plus cassé et incapable de faire sonner des accords sans les rendre métalliques. Pourtant, ce style de fuzz reste incontournable et a été utilisé par Jimi Hendrix avec l’Octavia, conçue par son guitar tech Roger Mayer en 1967 puis copiée et vendue par la société Tycobrahe un peu plus tard (et oui, les clones existaient déjà !). C’est cette pédale qu’on entend sur Purple Haze et sur Fire. Un autre exemple est la Foxx Tone Machine, apparue un peu plus tard. Les Octave-fuzz marchent notamment bien en jouant des solos en haut du manche de la guitare. Plus récemment, certaines octave-fuzz viennent au contraire ajouter une octave inférieure, comme la MXR Sub Machine, voire carrément un peu de tout chez la Earthquaker Devices Bit Commander : deux octaves inférieures et une supérieure !

4. Les Superfuzz

De l’autre côté du globe, le Japon se lance aussi dans la course aux pédales d’effet ! Avant de devenir le premier vendeur de pédales d’effet pour guitare au monde avec la marque Boss, d’anciennes marques comme Honey, rachetée par Shin-Ei et importée aux Etats-Unis sous le nom Univox, s’attèlent dès les années 60 à concevoir des amplificateurs, des pédales de trémolo et bien sûr de fuzz. C’est ainsi que naîtra la FY-6, rebaptisée plus tard avec le nom moins barbare de Superfuzz, inventée par Fumio Mieda aux côtés de la Univibe et plus tard du Korg MS-20. Son circuit terriblement agressif en fait une des pédales de fuzz les plus instables de l’époque, avec un son capable de générer des harmoniques supérieures comme inférieures, mais sans forcément se concentrer sur un effet d’octave particulier. Elle sera par la suite adoptée par des groupes comme Fu Manchu et intègrera très vite la scène stoner. Si vous souhaitez un son plus moderne que les fuzz habituelles tout en restant typé, c’est l’effet idéal !

5. Les Sustainers

Au début des années 70, presque aucune pédale de fuzz n’est capable de conserver les notes jouées pendant longtemps, à l’exception de la Tonebender, qui ne gère pas encore très bien les accords. La solution ? Les sustainers ! A l’époque présentées comme conçues pour conserver les notes « sans distorsion » (sig), ce qui relève plutôt du travail d’un compresseur, il s’agit en fait de circuits de fuzz mieux réglés et capables d’encaisser sans broncher notes comme accords. La plus connue de cette catégorie est incontestablement l’Electro-Harmonix Big Muff Pi, commercialisée par Mike Matthews et popularisée par Jimi Hendrix (encore !), Carlos Santana et David Gilmour, mais aussi Jack White, The Edge ou encore The Smashing Pumpkins. Avec un sustain quasiment infini et fonctionnant généralement très bien sur basse, les Sustainers et les variantes de Big Muff ont forgé le son du grunge, du stoner et du rock alternatif des années 1990. Personnellement, ce n’est pas ma tasse de thé, jetez un œil ici si mon analyse de la Big Muff vous intéresse !

6. Les Synth Fuzz

Depuis l’invention du synthétiseur, les guitaristes se sont amusés à utiliser nombre d’accessoires pour se rapprocher du son si particulier qu’ils sont capables de générer. Tous les prétextes sont bons : guitares MIDI, E-bow, pédales de synthétiseur et autres, mais certains effets tendent plus vers la fuzz traditionnelle que vers le synthétiseur à proprement parler. Même s’il s’agit à l’origine d’une fuzz face très modifiée, la Zvex Fuzz Factory est un exemple typique de son que peut sortir une synth-fuzz à mon humble avis, en plus d’être particulièrement instable. Vous pouvez l’entendre sur « Plug In Baby » de Muse – Matthew Bellamy l’a même intégrée dans sa guitare à l’époque ! Dans une autre veine plus proche du synthétiseur, on retrouve la Beetronics Zzombee et la Collision Devices TARS, qui intègrent carrément un filtre modulable au son de fuzz. On retrouve alors le son des synthétiseurs analogiques des années 70 et 80, tout en jouant de la guitare. Ces fuzz sont parfaites pour ceux qui veulent expérimenter, mais feront également l’affaire des fans de Muse et d’Acid Jazz, voire de disco !

Tout compte fait, la plupart des fuzz disponibles sur le marché sont finalement inspirées des premières pédales de l’histoire, et ce n’est pas étonnant au vu des légendes qui les ont jouées. Ce sont aussi de parfaites plateformes pour expérimenter, tester des sons, et avoir une grande palette de couleurs sonores uniques lorsqu’on aime ce genre de sonorité. Je recommande particulièrement de placer un octaver numérique après une fuzz, pour balancer des riffs à la Royal Blood c’est idéal ! Enfin, sachez malgré tout qu’en règle générale, les fuzz vintages et leurs dérivés modernes n’aiment pas être placées autre part qu’au début de la chaîne d’effet, directement après le câble de la guitare. C’est là qu’on retrouve ce véritable son organique et qu’on le sent interagir avec le jeu du guitariste et les réglages de l’instrument.

Posté dans: Effet de saturation, Fuzz

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