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Perfectionnez l'art du réamping

Pour faire suite à mon précédent article sur les microphones pour enregistrer sa guitare, je souhaite parler d’un système qui vous facilitera grandement la vie en essayant de placer ceux-ci devant vos baffles ! En effet, vous imaginez bien qu’enregistrer directement son instrument branché dans son amplificateur pour ne découvrir le résultat qu’après a vite ses limites. Comment faire alors pour garder une bonne prise mais se laisser malgré tout la possibilité de reprendre les réglages de l’ampli, le baffle utilisé et le placement des micros ?

1. DI et réamping

Il existe une réponse très simple à la question que je pose : enregistrer son instrument sur un ordinateur, via une interface audio, sans aucun effet, puis réinjecter l’audio enregistré dans l’amplificateur. Oui mais voilà, peut-on vraiment brancher directement sa carte son dans l’entrée guitare de notre ampli ? Et comment brancher notre instrument à l’interface audio ?

Commençons par la base : l’enregistrement. La très grande majorité des interfaces audios disposent maintenant d’une entrée haute impédance (Hi-Z) spécifiquement conçue pour y brancher directement une basse, une guitare, ou tout autre instrument dont l’impédance de sortie peut-être élevée. La majorité du temps, c’est un câble pour instrument, asymétrique (TS) qui est utilisé, avec le signal au niveau de l’âme du câble et la masse sur la tresse. La tresse sert de blindage mais n’empêche pas tous les parasites de perturber le signal, d’autant que le signal électrique est bien plus sensible à cause de son impédance élevée. Enfin, tous les problèmes de mise à la terre sont transmis par le câble également.

En studio ou chez soi, cela peut ne poser aucun souci, mais imaginez vous sur une scène immense à vouloir brancher votre instrument dans la table de mixage sur quelques dizaines de mètres : perturbations, bruits et perte de signal garantis ! La solution à ce problème est d’utiliser une boîte de direct (DI ou DI-Box). Celle-ci va s’occuper d’abaisser l’impédance du signal et de le rendre symétrique (TRS ou XLR) pour le rendre moins sensible aux longueurs de câbles et aux parasites et annuler le bruit. Très souvent, le signal est d’ailleurs amené à un niveau microphone pour pouvoir se brancher dans une entrée XLR de l’interface audio ou de la table de mixage utilisée. Les DI sont massivement utilisées sur scène pour abaisser le niveau de bruit d’instrument électroniques (synthétiseurs, boîtes à rythme, platines DJs) et récupérer un signal propre pour certains instruments (basses électriques, capteurs piezo d’instruments acoustiques), éviter les parasites et faciliter le chemin de signal audio jusqu’à la table de mixage.

Pour réinjecter le signal audio dans l’ampli, on utilise un boîtier qui effectue l’opération inverse, appelé boîter de réamping (reamp box). On pourrait tout à fait brancher l’interface audio directement dans l’ampli, mais le niveau sonore serait bien plus élevé que votre instrument et l’impédance largement plus faible ! Cela fonctionnera, mais au prix de bruits supplémentaires (issus notamment de l’ordinateur) et il faudra baisser largement le volume de sortie de la piste. Le boîtier de réamping s’occupera d’adapter l’impédance et le volume pour simuler le comportement de la guitare, et s’éviter des problèmes de masse et de buzz.

Ce boîtier est d’autant plus nécessaire lorsqu’il s’agit de réamper un pedalboard dans lequelle se trouve des fuzz vintages comme la TAMPCO All-Bender. Ces fuzz attendent vraiment une guitare électrique, et sonneront très différemment si elles sont attaquées par un système à basse impédance. Utiliser un simulateur de micro de guitare ou un boîtier de réamp équipé d’un contrôle d’impédance est absolument nécessaire dans ce cas.

Les deux types de boîtiers sont souvent équipés d’un interrupteur pour inverser la phase du signal et pour déconnecter la masse sur la sortie ou l’entrée XLR afin d’éviter des boucles de masse et donc du bruit supplémentaire. Pratique ! Beaucoup sont équipés également d’un interrupteur PAD pour atténuer le signal d’entrée de 10 ou 20dB si celui-ci est trop fort (synthétiseur par exemple). Enfin, certains boîtiers de réamp sont équipés de contrôle de volume et d’impédance, voire de filtres pour couper certaines fréquences.

2. Comment ça marche

Que ce soient les boîtiers de réamping ou de direct, les deux existent à la fois en modèle passifs et actifs. Les modèles actifs génèreront un tout petit peu de bruit de fond et ont besoin d’une alimentation pour fonctionner – parfois externe, parfois une pile, parfois simplement l’alimentation fantôme de la carte son ou de la table de mixage pour les DI. En revanche, ils peuvent attaquer de grandes longueurs de câble sans problème, ne provoquent pas toujours d’atténuation de signal et ont une impédance d’entrée fixe et élevée. Les systèmes passifs en revanche, atténuent le signal et ont une impédance d’entrée déterminée par le système dans lequel on les branche. Ils peuvent donc adoucir légèrement le son. Ils ne peuvent pas non plus attaquer de grandes distances de câble et sont à préférer au studio ou dans des cas où une alimentation électrique n’est pas possible. En revanche, leur principe de fonctionnement repose sur le transformateur, et ils ont donc une vraie isolation galvanique du signal qui permet de mieux gérer les boucles de masse et les parasites !

Electriquement, les systèmes passifs sont les moins compliqués. Pour une DI, c’est très facile : il suffit d’utiliser un transformateur de signal. Celui-ci va abaisser drastiquement l’amplitude et l’impédance de l’instrument pour l’amener à des niveaux proches de ceux d’un microphone. On branche dans une entrée micro de l’interface audio et le tour est joué. Par exemple, voilà le schéma d’un boîtier de direct proposé par le fabricant de transformateur Jensen. On jack, une résistance, un transfo et un XLR à la sortie, c’est tout ! On retrouve également l’interrupteur « ground lift » pour couper la masse du XLR dont je parlais plus haut.

Jensen DI

Pour un boîtier de réamping, c’est pareil en sens inverse : un transformateur, parfois un contrôle de volume passif et d’impédance via des interrupteurs ou un potentiomètre, et c’est tout. Le rapport de transformation est plus faible pour un boîtier de réamping, souvent de 1:4, là où les DI emploient plutôt du 1:12. Toute la qualité du boîtier repose alors sur le transformateur utilisé. Les boîtiers de réamping n’ont souvent pas de mal à trouver des transformateurs adaptés, mais c’est plus difficile et bien plus cher pour les DI. En effet, le transformateur d’une DI doit impacter le moins possible le signal audio, et pour cela il faut une inductance très, très forte, c’est-à-dire beaucoup de tours de fil, donc un transformateur plus gros, plus long à faire, avec plus de matériaux et un blindage amélioré. Oui, il va y avoir une vraie différence entre un boîtier cher et un boîter bas de gamme !

Lorsqu’ont utilise des systèmes actifs, ce sont des composants alimentés qui s’occuperont de traiter le signal. Généralement, une DI utilisera un circuit actif de buffer et un circuit inverseur pour créer les tensions attendues sur les deux conducteurs internes du XLR. Un boîtier de réamp fera l’opération inverse, en calculant la différence entre les tensions de ces deux conducteurs pour recréer le signal asymétrique d’origine (avec un seul conducteur). Attention cependant : un système actif, que ce soit une DI ou un boîtier de réamping, peuvent tout à fait utiliser en plus un transformateur pour des raisons d’isolation galvanique. Dans ce cas, le transformateur utilisé est souvent moins critique car il n’est plus placé directement après l’instrument, mais après un buffer, qui s’occupe de lui fournir le courant dont il a besoin pour correctement transmettre le signal.

3. Comment les utiliser

Les schémas de câblage ci-dessous proviennent du site de Radial, fabricant de boîtiers de réamping et de direct reconnu mondialement, et utilisé par absolument tous les professionnels. Leurs produits sont de vrais couteaux-suisses, avec beaucoup d’options et de variations suivant les besoins. Les images sont tirées d’un produit qui combine à la fois DI et réamping.

Lors de l’enregistrement, on se sert de la Reamp Station comme d’une simple DI : le signal de la guitare et envoyé à la fois à l’amplificateur grâce à une sortie traversantes (through) pour que le musicien puisse s’entendre jouer, et à la carte son sans aucun effet ni son d’amplification. En plaçant un micro devant l’ampli, on enregistre donc le signal amplifié et le signal d’origine de l’instrument pour le reprendre si besoin.

Enregistrement avec DI

Dans cette deuxième image, on réamp l’audio précédemment enregistré. Si la prise micro n’était pas bonne, ou qu’on souhaite enregistrer sur un autre ampli ou avec des effets, on envoie l’audio dans la partie réamp de la Reamp Station. Le signal est ensuite adapté pour être envoyé dans un pedalboard puis dans l’ampli de guitare, qu’on enregistre avec un microphone.

Réamping ampli

Enfin, si on souhaite seulement ajouter des effets, il suffit de revenir après le pedalboard dans la section DI de la Reamp Station, qui est alors utilisée à son plein potentiel.

Réamping pedalboard

C’est cette dernière technique que j’utilise d’ailleurs pour créer plein de shorts sur YouTube qui sont en quelque sorte des « presets » pour les pédales TAMPCO. C’est assez amusant à faire et toujours un défi de se rapprocher le plus possible des sons d’origine des musiques que je reprends !

Radial n’est pas le seul fabricant à proposer ce type de produit, on en retrouvera également chez Klark Teknik et Behringer pour ceux qui ont un budget serré, au prix souvent d’une moins bonne qualité audio et de construction. Pour rester dans des références plus orientées guitare, la série Canvas de Walrus Audio propose des boîtiers de DI utiles et compacts. IK Multimedia propose aussi des options de réamping directement dans son interface audio Axe I/O pour une solution tout en un. Enfin, je me dois de vous parler de Franklin Audio, une entreprise australienne qui propose à peu prêt toutes les configurations possibles : mono ou stéréo, actifs ou passifs, tout en un… Ils ont même sorti un préamplificateur pour microphone équipé d’un boîtier de réamping pour envoyer sa voix ou son instrument acoustique directement dans un pedalboard ! Allez jeter un œil, ça vaut vraiment le coup.

Franklin Audio RA-100

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