Découvrez ce qu’est réellement un préampli guitare, la différence entre un vrai préamp et une simple pédale...
Préamplis guitare : une arnaque ?
Bienvenue à l’atelier ! Vous avez peut-être déjà entendu parler des pédales de préamps (ou préamplificateurs), ou bien vous avez déjà rencontré ce terme en parlant de microphones et de cartes sons. Voyons ensemble ce qu’une un préamp, et plus particulièrement une pédale de préamp pour basse ou guitare. Car vous le verrez, la plupart des pédales de « préamps » du marché sont une bien belle arnaque !
1. Les preamplis de studio
Lorsque les ingénieurs du son, les fabricants de matériel audio ou les développeurs de plugins parlent de préamplificateurs (aussi appelés préamplis, ou juste préamps), ceux-ci parlent systématiquement des circuit d’entrée des tables de mixage, consoles et autres interfaces audios.
Il s’agit tout bêtement de circuits électriques prévus pour atténuer ou amplifier un signal audio issu d’un microphone le plus souvent, mais parfois également de boîtes à rythmes, d’effets externes, de synthétiseurs ou tout bêtement d’une guitare électrique. Ces circuits ont souvent un gain variable, un interrupteur pour inverser la phase du signal ou activer l’alimentation 48V nécessaire à certains microphones, et parfois des options d’égalisation, voire une entrée « DI » (Direction Injection) prévue pour des guitares ou basses électriques dont l’impédance de sortie est trop haute pour qu’un préampli micro ne puisse la restituer correctement. En gros, les préamplis servent à amener une grande variété de sources sonores à un même niveau électrique et une même impédance, pour que le signal puisse continuer son chemin dans le processus de traitement sonore et d’enregistrement.
Ces circuits électroniques peuvent être soit indépendants, au format rack 19 pouces ou module API 500 le plus souvent, soit intégrés dans d’autres équipements comme des cartes sons ou des tables de mixage.
Enfin, il existe à mon sens deux grandes catégories de préamplis de studio : ceux qui ont pour objectif la transparence, et ceux qui cherchent au contraire la coloration. Dans le premier cas, il s’agit d’avoir un son le plus dynamique possible sans saturer, le moins de bruit possible, l’adaptation d’impédance parfaite et la bande passante la plus large. C’est par exemple le cas des préamplis Audient, Neve ou Focusrite, ou des préamplis embarqués dans les interfaes audios, avec une contrainte de coût faible en plus, généralement, ce qui force les compromis. Dans le second cas, on va retrouver tous les préamplis vintage ou à lampes comme l’Universal Audio 610 ou les préamplis de Chandler, qui n’auront pas toujours le moins de saturation ou la courbe de réponse la plus plate possible, mais qui apporteront au contraire un grain volontairement prononcé lorsqu’ils entrent en saturation.
Dans tous les cas, les préamplis de studio sont principalement pensés pour capter une grande variété de sources, et vont donc faire en sorte d’avoir une bande passante relativement large et un gain relativement uniforme : on aura une amplification relativement similaire des basses, des mediums et des aigus, avec peu de saturation sauf lorsqu’on pousse le gain. Enfin, l’idée principale reste d’adapter la source pour la rendre compatible du reste de la chaîne sonore.
2. Les préamplis dans un ampli de guitare
Le signal d’une guitare électrique étant assez particulier, les amplificateurs de guitare intègrent dans l’écrasante majorité des cas un circuit de préamplificateur. Non content de disposer d’un réglage de gain, le préampli d’un ampli guitare propose souvent un égaliseur simple (réglage de tone par exemple) ou plus complexe (basse/medium/aigu, voire égaliseur graphique) qui permet au musicien de venir modifier le contenu en fréquence de son instrument et obtenir le claquant, la chaleur et la rondeur qu’il recherche. Un préampli guitare cherche également à adapter le niveau électrique et l’impédance du signal issue de l’instrument pour que l’amplificateur de puissance puisse correctement amplifier le signal, et mettre en mouvement la membrane du haut-parleur.
Pour autant les préamplis de guitare sont tout à fait particuliers : Leo Fender étant un perfectionniste dans l’âme, avait compris que le bobinage des micros avait tendance à provoquer une certaine résonance électrique (cf. mon article sur les câbles). Cette résonance et la configuration des micros font que le son d’une guitare électrique est assez peu dynamique par nature, avec des mediums très prononcés et franchement pas très musicaux. Il a alors intégré à ses amplificateurs un égaliseur volontairement creusé dans les mediums pour compenser, ce qui fait que lorsque l’égaliseur est réglé avec les basses, mediums et aigus au centre, il y a en réalité un véritable manque de medium !
Vous pouvez faire joujou ici pour voir ce que les réglages de votre amplis changent sur le son : https://www.guitarscience.net/tsc/fender.htm#RIN=38k&R1=100k&RT=250k&RB=250k&RM=10k&RL=1M&C1=250p&C2=100n&C3=47n&RB_pot=LogA&RM_pot=Linear&RT_pot=LogA
Encore plus incroyable : sur ce tonestack Fender, pour avoir un son « neutre », il faut régler les aigus à zéro, les basses à peine plus et les mediums à fond : absolument pas ce à quoi on s’attendrait !
Chaque fabricant a alors plus ou moins adapté la recette pour compenser le manque de basse et d’aigu de l’instrument à sa manière : interrupteurs « bright », contrôles de présence et de profondeur, égaliseurs graphiques, chacun a un peu sa technique mais le dénominateur commun reste le creux dans les mediums d’un tonestack classique. Marshall, Vox, Mesa Boogie, Soldano, tous utilisent cette caractéristique et jouent de filtres pour donner un caractère unique, un « voicing » propre, à leurs amplis, un peu à la manière d’un John Mayer qui stackerait ses pédales d’overdrive.
D’ailleurs, les amplis intègrent souvent une boucle d’effet qui est alors un vrai point de repère : le préampli se situe avant, l’ampli de puissance après la boucle d’effet. Cela permet notamment de positionner des effets de modulation, d’écho ou de réverbération pour qu’ils agissent de manière naturelle et sans les noyer dans la saturation de l’ampli.
3. Les pédales de preamp et les autres overdrives
Ce creux dans les mediums est pour moi la caractéristique principale des préamplis de guitare, et donc des vraies pédales de préamp, qui ont alors pour vocation de se brancher en direct dans le retour d’une boucle d’effet d’ampli. C’est le cas par exemple de l’Effectrode Blackbird ou encore de ma Gazelle. Toutes deux fonctionnent avec des lampes, mais surtout présentent ce creux caractéristique d’un vrai préampli de guitare. La deuxième caractéristique, c’est bien entendu la distorsion typique que les préamplis génèrent, qui n’est pas mediums comme les pédales d’overdrive, mais avec au contraire un spectre plus large et des harmoniques volontairement présentes dans les aigus, puisque la guitare en a naturellement très peu.
D’ailleurs, si les pédales d’overdrive se marient aussi bien avec les amplis pour percer dans le mix, c’est parce qu’elles amènent justement les mediums qu’il peut manquer naturellement à l’ampli pour que son instrument ressorte de manière musicale et sans charcuter les oreilles de l’audimat – essayez un treble booster dans un Fender Deluxe Reverb et vous verrez vite que c’est une autre histoire !
Pourquoi diable parlais-je d’arnaque en introduction ? Tout simplement parce que la majorité des pédales de « préamps » pour guitare ne sont ni plus ni moins que des pédales d’overdrive ou de boost standard, et que le terme « préamp » s’est alors greffé comme un argument marketing à la mode.
C’est le cas par exemple de la Xotic BB Preamp, qui est globalement une Tube Screamer avec un égaliseur actif basse/aigu. La réponse en fréquence est la suivante, en faisant varier les deux potentiomètres entre leur min, leur position centrale et leur max :
On ne retrouve vraiment pas le creux dans les mediums caractéristique d’un véritable préampli guitare. Certaines pédales d’overdrive en revanche peuvent avoir un son proche de ce qu’on attendrait d’un préamp : pour cela, il faut qu’elles soient équipées d’un réglage de mediums, comme c’est le cas par exemple de la Singer Overdrive.
Les EP Preamp ou l’Anasounds Tape Preamp, et autres boost assimilés, n’ont pas non plus ce creux caractéristique dans les mediums, mais avec une bonne excuse : les circuits sont en réalité basés sur des préamplis intégrés à des échos à bande, donc… du matériel de studio ! On les pardonne alors, et on s’en servira plutôt comme boost voire EQ pour colorer le son en fin de chaîne.
Un petit point rapide s’impose sur les préamplis basse aussi : ceux-ci sont beaucoup plus proches de ce qu’on trouve dans un studio, car la basse électrique n’est pas autant chargée en medium que la guitare électrique, et qu’il est souvent possible de mixer directement l’instrument avec un simple égaliseur pour obtenir un son exploitable. Les pédales de preamp pour basse cherchent donc avant tout à égaliser le son de l’instrument, et plus rarement à le saturer voire à le compresser. En revanche et pour des raisons pratiques, ils intègrent très souvent une sortie DI en XLR pour permettre à l’ingénieur du son de récupérer directement le son du préampli. En général, les bassistes sont plus sages et ont moins souvent le droit au marketing pompeux du matériel guitare ?.
Enfin, certaines guitares et basses actives intègrent un vrai circuit de préamp, avec volume et égaliseur actif, le plus souvent dans l’optique de gérer le son de l’instrument le plus tôt possible dans la chaîne sonore et avoir un contrôle sur les fréquences transmises au reste de la chaîne. Dans ce cas, on retrouve notre définition de préampli plutôt orienté « studio », pensé plus comme un outil que comme un élément central.
Alors, arnaque ou pas ? Plutôt un jeu marketing, comme d’habitude ! Il est vrai que les pédales « neutres » peuvent être considérés comme des préamps au sens de ce qu’on retrouve dans un studio, avec une réponse en fréquence neutre qui rappelle les overdrives full range et des réglages de basses et d’aigus. Pour autant, un véritable préampli guitare a pour vocation, à mon sens, de remplacer ou compléter celui déjà présent dans votre ampli, voire de vous en passer complètement en intégrant en plus une simulation de baffle dans votre système. Faîtes donc attention aux dénominations douteuses et renseignez-vous avant de passer commande : les préamplis de type « boost » et autres overdrives ne vont donneront vraiment pas le même son !
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